selon Elle
Oui je me sens fatiguée, écœurée, poussée au bout de moi-même, mais malgré tout, dans mon 'monde intérieur', au fond de moi il y a une force qui m'habite qui est plus forte que tout.
Je ne peux pas communiquer ça à personne et de toute façon, le tenter serait une perte d'énergie.
Mon conjoint doit le voir dans mes yeux, je n'ai pas besoin de lui expliquer que je suis capable d'y arriver sans l'intervention de la césarienne -concept qui plane dans la pièce depuis ce qui me semble une éternité. D'ailleurs, j'ai perdu toute notion du temps.
Puis finalement, la nature fait bien les choses, on me donnait seulement quelques minutes de plus sans quoi la fameuse césarienne n'était plus une option mais une nécessité, quand je suis arrivée au bout ....naturellement.
Ma fille est née en parfaite santé et je suis transformée à jamais. Non seulement transformée en mère, mais en femme qui venait d'aller au bout d'elle même, qui avait fait l'ascension du plus gros Everest intérieur, qui venait de faire le plus beau et le plus dur voyage, sans même quitter la pièce. Avec toutes les complications possibles rencontrées, j'ai réussi contre toutes attentes et ça, ça transforme une vie.
Ma fille est resplendissante, mais je suis tellement épuisée j'ai de la difficulté à même la tenir dans mes bras. J'ai besoin d'aide…
selon Lui
À ce moment, notre docteur entre dans la salle d’accouchement. C’est une femme d’expérience qui suivait le dossier de loin, c’est le docteur qu’on aurait normalement vu qu’à la poussée finale. Mais vu la situation, elle décide de venir voir les choses de plus prêt avant d’autoriser la césarienne. En l’espace de 5 minutes, absolument toutes les choses ont été replacées dans l’ordre.
Une des choses qu’elle a découverte, que la sonde avait mal été installée à l’intérieur de la mère et que c’est elle qui bloquait le bébé. En 5 minutes, le bébé a rattrapé le temps perdu. La pression de la mère est retombée à un niveau plus régulier (même s’il était encore haut mais rien de critique) En l’espace de 5 minutes, les sages-femmes avaient retrouvé leur facilité de sourire, les infirmières avaient retrouvé leur calme, les médecins internes avaient retrouvé leur capacité d’analyse et j’avais retrouvé la capacité de respirer.
En quittant la pièce, la docteur lance à tous présent dans la salle « il n’y a absolument AUCUN problème ici ». Tous nous nous regardions, ébahi, du niveau de compétence et d’expertise de cette grande dame.
Les choses se remettent donc à bien progresser. À ce point, le choc des dernières heures m’a appris à expliquer aux médecins internes et infirmières: le volume d’urine en cours, le résultat de la dernière pression, le dernier niveau connu du bébé dans le bassin, le dernier niveau de dilatation de la mère, le denier taux d’hémoglobine et le dernier taux de plaquette sanguine dans le sang de la mère. Les choses se déroulent normalement pour une pré-éclampsie. Ma conjointe est très enflée.
La 4e infirmière en chef prend place dans la salle d’accouchement. Les médecins commencent à souligner des faits pour que ma conjointe prenne un épidurale. À mes yeux, elle gère pourtant très bien la douleur. Elle est dilatée à 4 centimètres. Les « vraies » contractions arrivent.
L’effet de ces contractions dans les yeux de ma conjointe reste pour moi inoubliable. Je vois les limites incroyables d’une femme être repoussées d’une manière inimaginable. Je n’ai jamais rien vu de tel, je suis bouche bée devant le courage, la force et la volonté de ma femme. La force du pitocin donne des contractions beaucoup plus fortes que si elles étaient naturelles et je peux le voir dans ses yeux. Elle demeure pourtant concentrée et penchée sur son monde intérieur ainsi que celui de notre enfant qui travaille depuis déjà prêt de 16 heures.
J’arrive finalement à comprendre par déduction et en repassant les informations que le sulfate magnésium crée une contraction de l’utérus, ce qui cause des difficultés au pitocin et rendant le travail de la femme encore plus difficile.
La raison pour laquelle l’épidurale fait partie du traitement est que quand la femme perd la sensation de la douleur, elle a un relâchement et ce relâchement aide à faire avancer l’accouchement car il permet au pitocin de plus facilement faire son travail.
J’explique donc à ma conjointe que je crois qu’il est temps de prendre l’épidurale mais que c’est elle qui décide. Je vois la confusion entre le besoin qu’elle ressent et son courage de poursuivre. Elle est dilatée à 4,5 centimètres. Un maigre 0,5 centimètre en deux heures et pourtant, le processus devrait s’accélérer après 4 centimètres. Elle accepte de recevoir une épidurale mais l’anesthésiste qui peut l’administrer n’est plus disponible. On doit attendre. Deux heures plus tard, elle est à sept centimètres de dilatation et toujours pas de signe du spécialiste pour l’épidurale. Je commence à croire qu’on terminera sans lui…
Finalement il entre dans la salle d’accouchement et peu de temps après la procédure est accomplie. Ma conjointe peut finalement prendre un peu de repos car il reste beaucoup de travail à faire pour elle et le bébé me dit-on. C’est le calme.
Une heure plus tard la dilatation est à 9 centimètres, les choses vont très bien même si ma conjointe est extrêmement enflée. Un autre deux heures et la dilatation est à 9,5 centimètres, on y est presque. Vu la longueur de l’accouchement provoqué et la difficulté, la docteur ultra compétente ne veux pas que ma conjointe pousse trop longtemps. De manière très subtile elle laisse sous entendre que la convalescence pourrait également être difficile et longue.
Une autre heure passe, la mère et le bébé sont prêts. La docteur demande de pousser en même temps qu’elle reçoit une contraction mais ma conjointe est épuisée. Elle est extrêmement enflée. Elle n’écoute plus.
La docteur lui signale quand les contractions arrivent, je peux les lire sur le moniteur derrière elle, mais elle ne réagit pas aux requêtes du docteur. Je comprends que si elle n’est pas coordonnée, ce sera une césarienne. Je lui dis que c’est très important de pousser quand je vais lui dire de la faire.
La prochaine contraction arrive… je suis très heureux de voir qu’elle m’écoute!
C’est difficile de me souvenir, mais je ne crois pas qu’il y ait eu beaucoup de poussées après cela. Si nous étions dans un endroit où la médecine est moins évoluée, je prends conscience que ma conjointe serait restée sur la table d’accouchement. Après quelque chose comme 25 heures, notre bébé arrive au monde! Ma femme est épuisée et ma fille a tellement l’air éveillé. Elles sont courageuses.
La docteur dépose ma fille sur sa maman. Je leur dis qu’elles sont des championnes, qu’elles ont réussies. Quel soulagement!
Nous sommes prêts à être transféré dans une chambre pour le rétablissement. On m’informe alors que le rétablissement dans le cas d’une pré-éclampsie avec le syndrome de HELLP pourrait également être encore difficile…Je suis perplexe sans réellement savoir ce qui pourrait se produire. On nous montre notre chambre et nous avons une infirmière privée qui y est assignée… personne n’a le droit d’entrée avant de passer par le bureau des infirmières. Qu’est-ce qui arrive?